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Les lichens littoraux (2008-2023)

2008-2023 version 2.2


La flore est dans l’ensemble endormie, mais il y a toujours nombres choses à observer dans la nature. Par exemple les lichens et particulièrement ceux du littoral, qui sont heureusement peu nombreux et facilement identifiables.

En voici quelques-un photographiés à Guimaec (2008) , Kerlouan (2022) dans le Finistère nord et à Ouessant (2023)

Généralités sur les lichens :

Littoral de Ouessant (2023)

Biologie

Tout d’abord, les lichens – organisme primitif – sont le résultat d’une symbiose entre un champignon hétérotrophe (ascomycète, basidiomycète ou deutéromycète) et une algue verte ou une cyanobactérie, autotrophe (chlorophylliens).

Cette association est durable, reproductible (donne naissance à de nouveaux individus, à la formation d’une nouvelle unité fonctionnelle).
C’est une association à bénéfices réciproques pour les partenaires qui entraîne des modifications morphologiques et physiologiques (ces dernières liées à des interactions génétiques entre les deux partenaires). Le champignon fournit le support, les sels minéraux et la réserve d’humidité ; l’algue fournit les nutriments issus de la synthèse chlorophyllienne.

Résistance aux conditions extrêmes :

Les lichens ont la capacité de résister à de très fortes dessiccations. Certains lichens peuvent vivre avec une teneur en eau de 2 % . Ils sont aussi capables de se réhydrater.

En général, les lichens contiennent beaucoup d’eau (100 à 300 % par rapport à la matière sèche du lichen).

La résistance hydrique des lichens provient surtout du mycobionte qui sécrète des polysaccharides autour de l’hyphe créant ainsi une zone qui piège l’eau sous forme colloïdale. De plus, les lichens stockent des polyols, qui servent de réserve d’eau. La reprise du métabolisme après une sécheresse est très rapide. Le lichen retrouve ses capacités métaboliques de 5 à 30 minutes après une réhydratation.

Les lichens peuvent également survivre à des variations de température importantes pouvant aller de −70 à +70 °C.

Plus de 20 000 espèces de lichens ont déjà été décrites.

Et, encore :

Comme ils ne dépendent que des nutriments présents dans l’air et les précipitations pour leur métabolisme, ils peuvent se développer sur des substrats stériles pour qu’ils sont souvent les espèces pionnières des successions écologiques dans les biotopes terrestres.

Répartition des lichens :

Beaucoup d’espèces sont pionnières, capables de coloniser des milieux extrêmes. Ils ont des croissances très lentes de l’ordre de quelques millimètres par an.

Les lichens vivent très longtemps. Cette caractéristique permet notamment de dater leur support par le rapport taille et vitesse de croissance.

8 % des écosystèmes terrestres sont dominés par les lichens. Par exemple, ils représentent 65 % de la flore à la limite du désert polaire arctique.

Description d’un lichen

Le thalle

Le thalle est l’appareil végétatif du lichen : il assure la nutrition, l’entretien de la vie et de la croissance. Comme chez toutes les plantes constituant l’ensemble des Thallophytes (c’est-à-dire ne comportant pas l’organisation de type : racine, tige, feuilles), il ne comporte pas de système vasculaire (c’est-à-dire le réseau de vaisseaux conducteurs).
Le thalle du lichen présente une morphologie spécifique, différente de celle des algues et des champignons libres.

Les formes de thalles du lichen et les différents organes dont il est porteur, sont d’une grande diversité. En revanche, on observe moins de variations concernant leur structure.

Ernst Haeckel (1094)

Différents types de thalles

On distingue généralement six types de thalles. La distinction de ces principaux types permet par l’observation à l’œil nu ou à la loupe de rentrer dans les premiers critères des clefs de détermination, sachant qu’il existe de nombreuses formes intermédiaires.

  1. Lichen crustacé ou incrustant : (plus de 80 % des lichens) présentant un thalle hétéromère fortement plaqué au support, formant une croûte (lichen crustacé lobé au pourtour et lichen crustacé non lobé au pourtour).
  2. Lichen foliacé : présentant un thalle hétéromère non soudé sur toute sa surface, formant des lames souvent lobées comme de petites feuilles qui s’écartent un peu du support ; présence d’un crampon ou de rhizines (fausses radicelles) sur leur face inférieure pour adhérer au substrat (lichen foliacé ombiliqué et lichen non ombiliqué).
  3. Lichen fruticuleux : présentant un thalle adhérent au substrat par une surface réduite et formant des prolongements redressés pendant ou étalés. Ces prolongements plus ou moins longs présentent deux formes : tiges rondes approximativement ramifiées, lanières plates parcourues de cannelures.
  4. Lichen sqamuleux : portant des squamules (petits compartiments) à la surface supérieure.
  5. Lichen complexe : présentant un thalle primaire à peu près étalé sur le substrat ; thalle secondaire fruticuleux, formé d’éléments se développant perpendiculairement au substrat.
  6. Lichen gélatineux : présentant un thalle à cyanobactérie devenant gélatineux sous l’action de l’eau.

Écologie des lichens

Répartition géographique

Les lichens sont répandus à travers toutes les régions du monde : des zones les plus extrêmes, vers les pôles, jusqu’aux sommets, à la limite des neiges éternelles, dans les déserts rocheux.
On peut les considérer à plus d’un égard comme des végétaux pionniers, capables de coloniser la roche la plus dure, le sol le plus désert, de supporter d’imposantes variations de température : très froides (jusqu’à -40 °C) ou très chaudes, des taux d’humidité ou de sécheresse extrêmement élevés.
Après leur mort, ils créent une couche de terreau qui permettra alors l’installation de bryophytes s.l. ou des phanérogames.

On estime qu’il existe plusieurs d’espèces de lichens sur notre planète. Si nous trouvons des lichens dans des sites extrêmement variés, ce n’est pas que les lichens soient indifférents aux lieux dans lesquels ils s’implantent ni aux conditions écologiques, mais bien au contraire.
En effet, chaque espèce de lichen a besoin, pour se développer, de conditions écologiques très strictes, ce qui rend intéressant l’étude de la relation du lichen et du milieu.

Nature du substrat

Tout d’abord, si certains lichens peuvent se trouver sur des substrats variés, la plupart se repèrent sur la roche (on les appelle alors saxicoles).
Mais, on repère également les lichens sur le bois sans l’écorce, le sol, les mousses, les débris végétaux… ou même sur d’autres lichens.
Certains lichens qui poussent sur la roche sont spécifiques des roches calcaires (= calcicole) ou au contraire des roches siliceuses, ne supportant pas le calcaire (= calcifuges).
Certains lichens sont sensibles au pH du support, les uns préférant les substrats acides (= acidophiles), les autres les substrats basiques (= basophiles).
D’autres encore recherchent les lieux fréquentés par l’homme et les animaux : lieux riches en matière azotées, comme le sont, par exemple, les sites rocheux fréquentés par les oiseaux (= nitrophiles).
Certains lichens signalent par leur présence ou par la coloration de leur thalle de la présence de fer ou d’autres métaux dans la roche sur laquelle ils sont implantés. Enfin, quelques lichens sont capables de coloniser les matières plastiques vieillies, et choisissent des substrats aussi insolites qu’une calandre de voiture, des tessons de bouteille ou une boîte aux lettres. Ceci semble bien prouver très simplement que les lichens ne tirent pas leurs substances nutritives du support qu’ils colonisent.

Facteurs climatiques et biologiques

Les lichens bénéficient du phénomène de reviviscence, c’est-à-dire qu’ils sont capables de passer de l’état de vie active à une vie ralentie quand ils ne sont plus hydratés. Et, ceci pendant une période plus ou moins longue, ensuite, de reprendre l’état de vie active quand les conditions redeviennent favorables. Si la plupart des lichens peuvent vivre dans des milieux peu humides ou même relativement secs, certaines espèces sont plus exigeantes en humidité atmosphérique : certains ont besoin d’un substrat régulièrement mouillé par les écoulements d’eau de pluie ou par les embruns et quelques-uns exigent d’être périodiquement submergés.
Certains lichens ne survivent que dans des sites ombragés, en forêt par exemple, d’autres se trouvent sur les arbres isolés, préférant telle ou telle face du tronc, plus ou moins exposée ou abritée ; à moins que ce ne soit la face supérieure des branches horizontales…
Si l’humidité, de manière générale, favorise la croissance du thalle des lichens, et accroît leur fertilité, la plupart des lichens préfèrent les sites ouverts, éclairés et se trouvent dans les sites ombragés. Non, parce qu’ils ne supportent pas la lumière, mais à cause du taux élevé d’humidité de ces sites.
Certains lichens colonisent les bords de mer, les régions littorales, d’autres préfèrent l’étage collinéen (Jusqu’à 800 m) et suivants (jusqu’à l’étage nival). Bien entendu, cette notion d’étage doit être relativisée en fonction de la latitude et des climats.
Altitude, température, humidité, absence de pollution… Il existe de nombreux paramètres qui conditionnent la croissance d’un lichen.
Si quelques lichens peuvent se retrouver dans des régions très différentes et s’adapter à des conditions extrêmement variables (on dit alors cosmopolite) la plupart sont « spécialistes » de leur milieu et se retrouvent souvent associés avec les espèces de lichens.

Synécologie

Les lichénologues distinguent des groupements de lichens, spécifiques d’un milieu précis, avec des « marqueurs », espèces caractéristiques que l’on observe dans des sites différents, mais d’écologie substratique semblable. Ceci constitue l’une des branches de cette science pointue et intéressante qu’est la phytosociologie.

Croissance

La croissance des lichens est extrêmement lente, même si elle varie selon les espèces et selon les conditions climatiques : tout au plus quelques millimètres par an pour les jeunes lichens, les premières années et ensuite, à maturité, la croissance se ralentit… conférant aux lichens une longévité remarquable, puisqu’ils peuvent être plus que centenaires.

Le cas des falaises littorales :

Guimaec (2008)

Au pied des falaises, les zones battues par les vagues sont colonisées par différents lichens. Tout d’abord, se développe le lichen noir (Verrucaria maura) puis un peu plus haut des lichens orangés ternes (Caloplaca marina). Ensuite, des plantes à fleurs apparaissent accompagnées de lichens orangés (Xanthoria parietina).

Ramalina siliquosa

Guimaec (2008)
Ouessant (2023)

Les Ramalina div. sp. ont un thalle fruticuleux, le plus souvent en lanières, des touffes dressées ou pendantes, partant d’un point unique de fixation. Lanières de structure et de couleur identiques sur les deux faces, plus ou moins ramifiées.
Algues : Trebouxia.
Fructifications : apothécies lécanorine, brièvement pédonculées, disque vert pâle, brunâtre ou rose jaunâtre, parfois pruineux. Bord thallin persistant ou non.

Détermination du taxon :
Thalle sans soralies ni insidies. Apothécies fréquentes
Lanière pas très ridées
Appthécies non à l’extrémité des rameaux
Sur roche. Lanières à section rondes, plus ou moins comprimées.
> R. Siliquosa

Discrimination R. cuspidata / R. silicoqua :

  • Base du thalle : noire / rarement noir
  • Largeur des rameaux : 1-3 mm / 2 – 9 mm
  • Surface : plus ou moins lisse et égale / fovéolée (parfois +- l’acérée), très souvent tuberculeuse (aspect de tantacules de pieuvre)
  • Section : plus ou moins circulaire et finie en pointe noire (acuminée) bien marquée (pycnide) / +- aplatie
  • Ostiole des pycnides : noir / pâle

Répartition :

R. cuspidata est plus exposé aux embruns que R.silicoqua sur les côtes rocheuses du littoral atlantique.

Xantoria parietina

Guimaec (2008)
Ouessant (2023)
Ouessant (2023)

Largement répandu et abondant dans toute l’Europe (sauf dans les hautes montagnes) sur écorces, bois et rochers. Peut être confondu avec d’autres espèces du genre Xanthoria, et Fulgensia et avec Caloplaca.

Les Xanthoria div. sp. ont un thalle foliacé, jaune à orange, généralement assez bien appliqué au substrat, lobes occasionnellement ascendants. Dessous pâle, lisse, avec le plus souvent des rhizines pâles, simples, peu nombreuses.
Algues : Trebouxia.
Tests aux réactifs : thalle K+ pourpre.
Fructifications : apothécies lécanorines, rondes ou déformées. Disque orangé, lisse. Bord thallin fréquemment bien développé.
Détermination du taxon :
Thalle assez étendu et bien visible
Lobes couchés sur le substrat
Lobes non sorédiés
Thalle jaune. Lobes du pourtour plats et larges (1-5 mm)
Nota : Peut-être confondu avec d’autres espèces du genre Xanthoria, et avec Caloplaca div. sp.
> X. Parietina

Caloplaca thallincola

Caloplaca div. sp.
Thalle : crustacé, occasionnellement lobé au pourtour, jaune orangé ou gris. Médulle blanche.
Algues : Chlorococcacées, surtout Trebouxia.
Tests aux réactifs : K+ pourpre, sur les thalles orangés.
Écologie : essentiellement sur roche.

Thalle : en rosette orange vif, parfois mal délimité t irrégulier, mais toujours nettement lobé au pourtour. Lobé en longs doigts contigus, convexes, souvent divisés et sinueux, comme « palmés » de 0,3 à 2 mm de large aux extrémités. Aréolé au centre.
Tests aux réactifs : thalle et apothécies K+ pourpre.
Écologie : sur roche non calcaire. Généralement parasite de Verrucaria maura. Du nord de l’Europe aux régions méditerranéennes.

Verrucaria maura

Les Verrucaria div. sp. ont un thalle crustacé, immergé à superficiel.
Algues : diverses Chlorophycées.
Thalle : superficiel, jusqu’à 1 mm d’épaisseur, noir, plutôt mat, avec des reflets bruns, continu, fendillé, fendu aréolé ou encore aréolé. Dans ce cas, aréoles plates à angles aigus.
Tests aux réactifs : aucune réaction significative.
Auto-écologie : sur roche calcaire ou non, en bord de mer, rochers ou falaises ventées, sous les embruns.

Cohabitation des 3 lichens mis en avant et Caloplaca marina (partie supérieure du cliché – non traité dans ce post) (Ouessant 2023)

Lichina pygmaea

Thalle fruticuleux, buissonnant, formé de petits rameaux dressés, palmés et aplatis, brunâtres, très divisés, de 0,3-20 mm de hauteur sur 0,1-0,7 mm d’épaisseur. Apothécies fréquentes, rappelant celles des pyrénolichens, situées dans des renflements terminaux (0,3-0,5 mm). Pycnides petites, terminales ou presque [www.afl-lichenologie.fr].

Discrimination L. confinis & L. Pygmaea :

  • Taille : 5(10) mm de haut / <= 20 mm de haut
  • Rameaux : cylindriques / aplatis +- palmés à l’extrémité
  • Répartition : présent dans la zone à Caloplaca marina, à la limite des hautes eaux / plus bas que L. confinis dans la zone recouverte à marée haute.

Source :

  • Dictionnaire encyclopédique des sciences de la nature et de la biodiversité – RAMADE F. (2008)
  • Guide des fougères, mousses et lichens d’Europe – JAHNS H.M. (1996)
  • Guide des lichens – 350 espèces de lichens d’Europe – TIEVANT P. (2001)
  • Guides naturalistes des côtes de France – BOURNERIAS M. & al.
  • Guide des Lichens de France – Lichens des roches – ASTA J. & al. (2016)
  • Petit guide illustré de Botanique – DECARPENTRIE C. (2021)
  • www.fr.wikipedia.org

Photographies :

  • Gaby AR BRAZ Dirlem – Nikon D700 – Ecosystema.fr ™ © (2022)
  • Gaby AR BRAZ Dirlem – PhotoPhone iPhone SE G3 2022 – Ecosystema.fr ™ © (2023)
  • Gaby AR BRAZ Dirlem – Fuji Velvia 50 ISO – Ecosystema.fr ™ © (2008)

Dessin :

  • The 83rd plate from Ernst Haeckel’s Kunstformen der Natur (1904), depicting organisms classified as Lichenes.

CC BY-NC-ND

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