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L’étagement des algues sur le littoral Breton – CEINTURES ALGALES POUR LES MILIEUX CLAIRS

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C’est à l’occasion d’une sortie littorale avec le CENB (http://www.univ-brest.fr/cenb/) et Monsieur LEGALL enseignant chercheur, que nous avons observé le long d’un transect* les algues suivantes (de haut en bas, dans l’ordre d’observation, ce référer aussi au schéma à la fin de la page) :


SUPRALITTORAL


Pelvetia canaliculata :

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Cette algue brune (Phaeophyceae) du haut de l’étage médiolittoral présente des frondes coriaces sans nervures médiane et enroulées en longueur pour former un sillon, probablement pour limiter les pertes en eau. Humide, elle est jaune et devient brun sombre à noire en séchant, ce qui arrive souvent étant donné sa localisation sur la côte. Très résistante à la dessiccation, elle tolère une perte de 65% de son eau, et une immersion permanente peut la tuer.


Fucus spiralis

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Sans flotteurs ni denticules, c’est l’un des fucus les plus délicats à identifier. La tendance de ses frondes à se tordre (voir photo de la plante en main) est un caractère utile mais pas constant, et il faut parfois examiner les corps reproducteurs pour confirmer l’identification. Un caractère important est la nervure saillante (visible sur la photo) sur les frondes plates spiralées.


Fucus vesiculosus

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Cette algue commune colonise de vastes zones de la zone interdinale. Ses frondes portent des flotteurs, de chaque côté de la nervure médiane saillante. Ceux-ci aident les frondes à atteindre la lumière quand les sédiments, remués à marée montante, opacifient l’eau. A la reproduction, l’extrémité des frondes développe des corps reproducteurs (visibles sur la photo) renflés verruqueux.


Ascophyllum nodosum

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L’Ascophylle porte des flotteurs ovoïdes remplis de gaz disposés à intervalles réguliers le long de frondes rubanées. On le trouve dans les ceintures des algues brunes, surtout en zones abritées. Il peut survivre dans les zones exposées mais reste alors à l’état de touffes de pédoncules en lambeaux.


MEDILITTORAL


Fucus serratus

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Cette algue aplatie est généralement vert olive. Mais lors de la reproduction, les pieds mâles sont dorés, et l’extrémité des frondes renflée (nettement visible sur la photo). Les frondes fertiles se détachent ensuite ; ceci ajouté aux dommages causés par les tempêtes, entraînent une moindre dominance de l’algue en hiver.

A noter, que les tubes spiralés du ver Spirorbis spirorbis couvrent souvent les frondes.


Chondrus crispus

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La forme, la taille et la couleur des frondes plates, en éventail, très divisées (jusqu’à 5 fois), varient selon les milieux : une forme à plus petite à lobes plus étroits pousse en conditions très agitées ; en plein soleil, la Mousse d’Irlande ou carragheen (pioka et liken en Bretagne) devient verte ; sous l’eau, la pointe de ses frondes est souvent iridescente (visible sur la première photo). Cette algue rouge (Rhodophyceae) fournit le carraghénane, agent épaississant utilisé dans l’industrie agroalimentaire.


Laminaria saccharina

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Cette longue algue en forme de ceinture à bords froncés, est brune, souvent teintée de vert olive. Bien qu’assez coriace, elle tolère mal les zones trop exposées aux vagues, préférant les eaux plus abritées. Les frondes séchées sont de bon indicateurs d’humidité de l’air quand elles deviennent molles.


Himanthalia elongata

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Les longues structures rubanées lui donnant son nom sont ses corps reproducteurs. Ils passent du vert olive au jaunâtre à maturité et se détachent en automne. La partie vivace est en disque en forme de champignon d’environ 3 cm de diamètre (voir la deuxième photo) fixé aux rochers par un court stipe.


Schéma : les principaux végétaux de la zone des marées (in GRUET Y., 1989)

L’importance de la marée, vis-à-vis des algues, se manifeste surtout par son rythme cyclique entre une haute et une basse mer et entre des périodes de vives-eaux et de mortes-eaux.

Il en résulte, dans la zone de balancement des marées (ou estran), une alternance de périodes d’assèchement et de submersion.

L’assèchement est d’autant plus long et plus fréquent que l’on se trouve vers le haut de l’estran, la submerssion d’autant plus longue est fréquente que l’on se situe vers le bas de l’estran. Le bilan de dessiccation (ou d’humectation) différera donc selon la position altitudinale occupée dans cette zone des marées (voir figure ci-après).

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Schéma (Gruet Y., 1989)

Légende partielle** du schéma (Gruet Y., 1989) :

Pelvetia canaliculata (6), Fucus spiralis (7), Fucus vesiculosus (8), Ascophyllum nodosum (9), Fucus serratus (12), Chondrus crispus (13), Laminaria saccharina (14), Himanthalia elongata (16).

** ne sont citées que les espèces observées.

On explique ainsi la répartition des algues en bandes ou ceintures parallèles au niveau de la mer. C’est la zonation algale qui est fonction de leur plus ou moins grande capacité de résister à la dessiccation.

Ces ceintures d’algues et surtout les peuplements d’animaux peu mobiles (balanes ou mollusques Gastéropodes) permettent de délimiter des étages :

  • L’étage Adlittoral est hors d’atteinte de la marée, mais il subit les embruns salés ;
  • L’étage Supralittoral, immergé seulement en vive-eau, est très souvent à l’air libre ;
  • La roche de l’étage Médiolittoral est alternativement et régulièrement immergée ou émergée ;
  • Enfin, dans l’étage Infralittoral les peuplement n’émergent qu’à basse mer de vive-eau.

La zonation et l’étagement sont d’autant plus nets que le substrat est homogène et orienté de la même façon. Ainsi, les zones de surplombs ou de cuvettes introduisent d’importantes modification de zonation, permettant à certaines algues de “remonter” plus haut sur l’estran.


Et merci à Monsieur LEGALL, enseignant chercheur à l’UBO, qui nous a fait l’honneur de sa présence lors de cette sortie naturaliste.

Enfin pour avoir de plus amples informations (surtout sur l’écologie), je vous invite à lire l’ouvrage de référence de J.-Y. FLOC’H (voir sources).


Clichés :

Dans le texte et en médaillon : Gaby AR BRAZ « Dirlem » © – APN Canon G9 – Ecosystema ™


Sources :

  • Algues : Loire-Atlantique Vendée – GRUET Y. (1989)
  • Guide des algues des mers d’Europe – FLOC’H J.-Y. et coll. (2006)
  • Guide illustré des algues de Bretagne – RIO A. (2001)

Glossaire :

  • Transect : ligne ou bande de végétation sélectionnée pour un échantillonnage; dans ce document, transect désigne un alignement continu de quadrants contigus au travers de gradients de végétation.

Pour aller plus loin

TYPOLOGIES DES CEINTURES ALGALES EN MANCHE-ATLANTIQUE MILIEUX CLAIRS

Dans le cas des milieux océaniques, l’étagement des peuplements a été défini comme suit :
Nous resituons pour autant les niveaux d’étagement de la roche sublittorale (c’est-à-dire l’infralittoral et le circalittoral) dans l’ensemble de l’étagement littoral (du supralittoral au circalittoral) :

  1. Etage supralittoral (= zone des embruns marins) caractérisé par les lichens
  2. Etage médiolittoral (= zone de balancement des marées ou estran)
    Caractérisé par des ceintures de fucales émergées (Pelvetia, Fucus, Ascophyllum) ou des populations de crustacés et mollusques fixés sur la roche (balanes, patelles, moules…).
  3. Etage infralittoral (= zone continuellement immergée, à forte instabilité environnementale)
    Caractérisé par de grandes algues photophiles: laminaires et fucales sous-marines (Sargassum, Cystoseira, Halidrys) et la dominance de la flore sur la faune fixée.

Ceinture de Chondrus sp.Mastocarpus sp. (émergée en marée de vive eau).

  1. « Niveau 1 » (facultatif) = ceinture à Laminaria digitata
  2. « Niveau 2 » = étage infralittoral supérieur = ceinture à laminaires denses (« kelp forest »), ou à fucales sous-marines denses.
  3. « Niveau 3 » = étage infralittoral inférieur = ceinture à laminaires clairsemées (« laminarian park »), ou à fucales sous-marines clairsemées et prairies denses d’algues de petite taille (Dictyopteris membranacea…).
    Etage circalittoral (= zone de faibles variations environnementales)
  4. « Niveau 4 » = étage circalittoral supérieur = Horizon circalittoral côtier = Les laminaires sont désormais absentes. Niveau caractérisé par la présence d’algues sciaphiles (Dictyopteris membranacea, Rhodymenia pseudopalmata, etc.) de densité décroissante avec la profondeur et la dominance sur la flore de la faune fixée (gorgones, roses de mer, éponges axinellides et brachiopodes…).
  5. « Niveau 5 » = étage circalittoral inférieur = Horizon circalittoral du large = Niveau caractérisé par l’absence d’algues dressées et l’apparition d’un nouveau stock – d’animaux fixés (Dendrophyllia cornigera, Swiftia rosea, Porella compressa, etc.) : faune fixée sciaphile dominante.

Nous utilisons ce découpage en niveaux dans toutes les descriptions des sstations subtidales rocheuses. Les profondeurs sont rapportées au zéro des cartes marines françaises (niveau des plus basses mers de vive eau théorique d’un coefficient de 120).


Sources :

D’après CASTRIC-FEY et al., (1973, 1978, 1997, 2001)

CC BY-NC-ND

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