Stade « imparfait » *Melasmia acerina* – 02/10/2022

Remerciements

Merci au Professeur BOULLARD de L’université de Rouen, de m’avoir initié à la mycologie, il y a une vingtaine d’années, également les rencontres de terrain avec le Maître de conférences COURTECUISSE quand j’étais étudiant à l’UCL.

Généralités sur les Fungi

Les caractères biologiques de ce Règne (= Phylum) vivant, constitué par l’ensemble des Fungi (vern. : Champignon) sera traité dans un post à part. Toutefois — en introduction — ces derniers représentent un ensemble vivant particulier par la suite de leur organothrophie et d’autres caractères qui leur sont propres et les séparent incontestablement du Règne des plantes auquel ils étaient – à tort — autrefois rattachés.

Cette distinction faite, nous allons porter notre intérêt pour un Fungi parasite des feuilles d’Aceraceae : Rhytisma acerinum de même que son stade imparfait (voir photographie ci-dessus et le schéma de développement des deux taxa).

Fungi et forêt : organisme compagnons des arbres

Mais, tout d’abord, quelle est la place des Fungi au sein des milieux forestiers ?
Les Fungi sont intégrés dans le fonctionnement de tout l’écosystème forestier.
Les mycorhizes d’une pas, littéralement « champignons des racines », sont les grands amis des arbres, partenaires irremplaçables pour le pompage de l’eau du sol.

Les Fungi décomposeurs, par ailleurs, désagrègent et recyclent les organismes morts. À l’inverse du rôle de synthèse des feuilles, ils permettent aux matières organiques de libérer leurs composants minéraux d’origine dans l’humus (voir Glossaire ci-après).

Parasites enfin, certains champignons cherchent sans répit à pénétrer les tissus et mettent continuellement à l’épreuve la capacité de résistance des arbres et d’autres organismes. Ils éliminent ainsi les végétaux affaiblis, le plus souvent en détruisant leur feuillage ou leurs racines.
Parfois cependant apparaissent des souches agressives de Fungi qui attaquent aussi les arbres sains et causent des dépérissements à large échelle comme celui d’Ulmus minor : autrefois commun, partout en plaine, les populations ont été fortement décimées par la graphiose (maladie de flétrissement (dessèchement des feuilles et des jeunes rameaux) due à Ophiostoma ulmi).

1. Ascomycètes

Les Ascomycètes* (voir Glossaire ci-après) se différencient des Basidiomycètes par le mode de formation des spores. Mais, on peut aisément les distinguer — dans la plupart des cas — par leurs formes axées autour deux structures de base : Discomycètes et Pyrénomycètes (ne nous concernant pas ici).
Les Ascomycètes sont des Fungi dont les spores se forment dans des asques (du grec askos, outre), cellules fertiles en forme de sac ou de tubes, qui s’ouvrent ou se déchirent à maturité. Les carpophores (ascocarpes) sont en forme de disque, de cupule, d’urne ou de massues.
La plupart des Discomycètes (ascocarpes en forme de disque ou de coupe) sont minuscules, ne mesurant que quelques millimètres. Leur consistance est coriace, ils poussent sur des plantes ou des arbres morts.

Dans notre cas, nous avons affaire à (Position systématique) : Fungi – Discomycète – Phacidiales.
Ses hôtes habituels sont les Aceraceae et la localisation sur l’hôte, sont les feuilles.

Rhytisma acerinum (vern. : Tache noire de l’érable)

Biologie des taxons

Famille : Rhytismataceae
Forme asexuée : Melasmia acerina
Champignon très commun qui se développe dans l’épiderme supérieur des feuilles des Aceraceae, l’Acer pseudoplatanus (vern. : Érable sycomore).
Au printemps, le tube germinatif des spores du champignon pénètre dans les cellules de l’épiderme supérieur. Se forme alors un stroma qui prend l’apparence d’une tache noire. Durant l’été, cette tâche s’élargit jusqu’à atteindre 1 à 2 cm de diamètre. La fructification de la forme imparfaite Melasmia acerina se développe lors cette période. C’est sous cette forme que le champignon passe l’hiver. Au printemps suivant, sur les feuilles à terre, se développe la forme parfaite Rhytisma acerinum dont les spores vont infecter de nouvelles feuilles.

Stades de développement de *R. acerinum* et sa forme asexuée

Symptômes et éléments de diagnostic

Dans le courant de l’été, présence de grosses taches « goudronneuses » noires, sur la face supérieure de la feuille (plusieurs centimètres de diamètre) entourées d’une auréole très claire.

Dégâts

Maladie peu grave, sauf en pépinières. Lors d’attaques importantes, le champignon peut occasionner la chute prématurée des feuilles.

Bio-indicateur de l’air

⚠️ Il s’agit d’un bio-indicateur fiable de la pollution atmosphérique urbaine, industrielle et issue du trafic routier : moins ses taches sont nombreuses, plus la présence de dioxyde de soufre et de métaux lourds est majeure (Bevan, R. J., & Greenhalgh, G. N. – 1976).

Détermination du taxon et autres informations

Taches noires sur les feuilles d’érable.
Description : Apothécie (sporophore en forme de disque ou de coupe) elliptiques, sur un stroma (appareil portant plusieurs ascome) plus ou moins circulaire, noir, jusqu’à 2 cm de diamètre, formant une tache boursouflée au-dessus des feuilles.
Saison : au printemps (stade conidien (spore de reproduction asexuée) plutôt à partir de l’été).
Habitat : sur feuille d’Acer pseudoplatanus (rarement sur A. campestre) tombées de l’année précédente.
Distribution : toute l’Europe. Espèce banale.
Remarque : on en connaît surtout le stade imparfait (voir schéma ci-dessous), Melasmia acerina, très visible dès la fin de l’été sur les feuilles encore en place (consulter le cliché ci-joint).
⚠️ « The black spots on the upper surface of the leaf are caused by tar spot fungus – not a gall. » (CHINERY M., 2011).

Sources bibliographiques personnelles :

Britain’s plant Galls – A photographic guide – CHINERY M. et al. (2011)
Dictionnaire encyclopédique des sciences de la nature et de la biodiversité – RAMADE F. (2008)
Dictionnaire : Plantes & Champignons – BOULLARD B. (1997)
Ecologie des Champignons – DURRIEU G. (1993)
Flore forestière française – guide écologique illustré – Tome 1 : plaines et collines – RAMEAU J.-C. (coord.) (1989)
Guide des champignons – France et Europe – 4e édition – EYSSARTIER G. (2017)
Guide des champignons de France et d’Europe – COURTECUISSE R. (1994) (se reporter à la page 36)
Guide de la forêt – Le milieu, la faune, la flore / 500 espèces des forêts d’Europe – DREYER W. et E. (1998)
Guide du curieux en forêt – 300 questions sur les arbres et les forêts – DOMONT P. & ZARIC N. (1999)
Photo-guide des Champignons d’Europe – COURTECUISSE R. (2000)
Rhytisma acerinum as a biological indicator of pollution. Environmental Pollution (1970) – Bevan, R. J., & Greenhalgh, G. N. (1976)

Autres sources :

Schéma :

PIEPENBRING M. & HOU C.-L. CC – BY-SA

Photographies :

Gaby AR BRAZ Dirlem – Nikon D700 – Ecosystema.fr ™ ©
- Remarque : le cliché a été réalisé le 02 octobre 2022 dans le Finistère, dans une forêt de conifères et de feuillus à Hymenophyllum tunbrigense.

Glossaire :

Ascomycètes : Fungi dont les spores prennent naissance dans un asque, cellule en forme de sac, contenant le plus souvent 8 spore. C’est un très grand groupe de Fungi, mais certains sont si petits qu’on ne peut les étudier qu’au microscope.
Humus : couche supérieure du sol créée, entretenue et modifiée par la décomposition de la matière organique, principalement par l’action combinée des animaux, des bactéries et des Fungi du sol. L’humus est une matière souple et aérée, qui absorbe et retient bien l’eau, de pH variable selon que la matière organique est liée ou non à des minéraux. On distingue l’humus doux (= Mull), brut (= Mor) et entre deux (Moder) et leurs structures L, F et H. inhérentes aux mécanismes de dégradation, très lié à la nature du sol (et roche native). Nous ferons un article sur ce monde passionnant.

CC BY-NC-ND

Horreur ! mon érable est attaqué par les Fungi ou la « maladie des croûtes noires »