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Un Pic bien méconnu : le Pic mar

Dessin : LAUNAY J.-F. (1986)

Depuis 25 ans (lors de ma première année en BTS A Gestion et Protection de la Nature (GEN) — une formation de reconversion après un accident dans les Pompiers de Paris), j’observe le pic mar ; surtout en forêt de Cranou (Le Faou – 29), lequel est assez rare en Bretagne.
Et, je ne manque pas l’occasion d’un bivouac naturaliste pour l’observer, ou seulement l’entendre… je précise sans repasse… ce fut ma réelle première expérience « d’aviste » (« l’ornithologue » étant un scientifique 🧐).
Tout d’abord, Étoc en 1910 et Mayaud en 1936, le disait rare dans l’ouest et le nord : qu’en est-il actuellement ? Nous allons tenter d’y répondre.

Mais, tout d’abord, qu’est-ce que ce Pic ?
Chacun a sans doute remarqué, au hasard de ses balades, des trous circulaires dans des troncs d’arbres. Ils ouvrent sur des cavités, où loge, creusées par les oiseaux spécialistes de cette tâche : les pics.

Les pics, oiseaux grimpeurs par excellence, ont une morphologie très particulière. Des doigts sont de véritables crampons et une queue très rigide leur assurent la stabilité nécessaire à toutes leurs activités arboricoles, dont le creusement de la loge dans laquelle ils pondent leurs œufs.
Niche écologique :
Tous les pics tambourinent activement pour délimiter leur territoire. Toutefois, le pic vert pratique rarement cette activité et le torcol jamais, tous deux préférant le chant pour ce « bornage » (émission territoriale).
Chaque espèce de pic est essentiellement inféodée à une strate arborée spécifique, dès lors la concurrence interspécifique est réduite.

  • Dendrocopos medius (L’inné, 1758)
  • Ordre : Piciformes
  • Famille : Picidés
  • Systématique : Polytypique, il se reproduit en Europe, qui héberge l’essentiel de la population mondiale.

Le Pic mar, Dendrocoptes medius de son nom international, est une espèce d’oiseaux de la famille des Picidae (comme le Pic Vert, commun dans les jardins proche de boisements).
Peu répandu (voir ci-après) et menant une vie assez discrète dans la partie élevée de vieux chênes, ce pic est peu connu, souvent confondu avec le pic épeiche. Pourtant ses manifestations vocales caractéristiques (voir ci-après) empêchant toute méprise.
Du haut de grands arbres, il lance son chant plaintif dès le mois de (janvier) février.
Le tambourinage, contrairement aux autres espèces de Pics, est plutôt rare.


Répertoire du chanteur

Peu loquace, c’est malgré tout par la voix que le pic mar se remarque d’abord.
Oiseau discret par excellence, il s’avère le « roi des braillards » lors de ses amours et à l’occasion de ses captures.
Le chant est une suite de son nasillarde et traînant : goueek, goueek, goueek…. c’est une série qui peut être montante ou descendante selon l’humeur de l’oiseau. La strophe comprend en moyenne une dizaine de cris, mais peut varier de 2 à 30.
Le pic mar est difficile à localiser ; il commence à lancer son chant nuptial alors qu’il se retrouve sur son territoire hivernal, qui n’est pas forcément le lieu de nidification.
En outre, dès que la ponte intervient, l’oiseau devient presque silencieux et il peut ainsi nicher sans être repéré.

Description de l’oiseau

Francesco Veronesi (2010)

C’est un pic de taille moyenne, à peu près celle de l’épeiche. Comme lui, c’est un pic « bigarré » — comme on disait autrefois — c’est-à-dire noir et blanc avec du rouge.

C’est la seule espèce dans son aire de répartition où les deux sexes ont des calottes rouges de la même taille.

Le dimorphisme sexuel est très faible. L’adulte se reconnaît à sa tête blanche pure couronnée d’une calotte rouge vermillon, vive chez le mâle, moins chez la femelle.
Ils font partie de rares pics pour lesquels les différences de coloration entre les sexes sont très faibles ou complètement absentes, pour que la détermination du sexe puisse être problématique sur le terrain.

Cette calotte n’est pas bordée de noir comme chez le jeune épeiche avec lequel la confusion est possible en été.

Le front est beige clair. La tache noire des côtés du cou ne rejoint ni le bec, ni la nuque, comme elle le fait chez l’épeiche.
Le bec est sensiblement plus faible que celui de l’épeiche.
Autre différence importante au niveau inférieur. Alors que chez l’épeiche, la poitrine et le ventre sont blancs uni, le mar montre de fines stries noirâtres sur ces zones. Enfin, les sous-caudales, rouge vif chez l’épeiche, sont d’un rouge atténué qui diffuse sur le ventre en prenant un aspect rose, surtout chez le mâle. La poitrine est teintée de roussâtre.

Le juvénile ressemble à l’adulte, mais en plus terne, avec le plumage moins contrasté, les zones blanches localement embrunies, le rouge des sous-caudales atténuées, celui de la tête moins vive et plus restreint, etc.

Auto-écologie partielle de l’oiseau

Les pics mars sont des oiseaux sédentaires qui élèvent leurs petits dans des trous d’arbres qu’ils ont eux-mêmes faits.
Les nids en bois tendre contiennent 5-6 œufs blancs et luisants et se situent de 3 à 10 m de hauteur. Trou d’entrée de 50 mm et loge profonde de 25 cm au moins.
Les jeunes âgés d’une quinzaine de jours deviennent bruyants au nid lors des fréquents apports à bout de bec de chenilles, insectes, baies et graines. La famille se dissocie dans les mois qui suit l’envol et si les adultes semblent sédentaires, les jeunes sont très erratiques.
Après une journée passée à explorer les écorces et déchiqueter les vieux troncs morts, l’oiseau rejoint en solitaire sa caverne – dortoir.
Beaucoup plus encore que son grand cousin le pic épeiche, c’est un forestier forcené qui ne dédaigne pas une intrusion dans un verger.

Aménagement des parcelles forestières

Il faudrait laisser de vieux arbres morts pour la survie hivernale d’oiseaux largement insectivores, ce que semblent ignorer les promoteurs d’une forêt industrielle « propre » également les mauvais pratiquants du Bushcraft (très à la mode comme retour à la nature ❗️).


Histoire et géographie de l’oiseau

Bretagne 1970-1975

En 1970, lorsque s’ouvrait l’enquête-atlas, peu de personnes auraient osé pronostiquer la découverte du Pic mar jusque dans le Finistère. Cet oiseau d’observation relativement difficile avait bien été signalé de temps en temps dans l’est de la Bretagne, mais son véritable statut y était inconnu.
En dépit des insuffisances de la prospection au cours des décennies qui ont précédé l’atlas, il est enclin à admettre que le Pic mar a connu dans ces années une forte extension de sa distribution en Bretagne.

Bretagne 1980-1985

La région accueille des populations clairsemées et très localisées.
Cela s’explique par la rareté des milieux spécifiques. L’espèce ne se rencontre plus que dans des reliques de forêts de feuillus âgés et dans les parcs de châteaux. Si le fait d’être situé en limite ouest de répartition européenne peut avoir des incidences, l’absence de cet oiseau en divers secteurs, relève davantage d’un défaut de prospection.

France 2000-2008

Nicheur sédentaire localement très commun ; c’est surtout un oiseau de vieilles chênaies de plaine et de colline (> 800 m). Parfois dans les grands parcs.
Dans les années 2000, la population se situait de 50 000 à 100 000 couples. Il paraît plus localisé en Bretagne. Le pic mar semble strictement sédentaire.
À noter que les données sur la répartition de ce pic, et plutôt son absence, ne sont pas toujours très fiables, l’espèce étant très discrète la plus grande partie de l’année. Les mentions du XIXᵉ siècle sont rares. Pour Mayaud (1936) le Pic mar se reproduisait dans toute la France, sauf plaines méditerranéennes, se faisant rare dans l’extrême ouest et le nord. Soixante ans plus tard, l’espèce ne manque que dans les plaines méditerranéennes. En Bretagne, il est maintenant assez bien répandu dans les milieux favorables des Côtes-d’Armor et du Finistère.

Paléarctique occidental

BEAMAN M. & MADGE S. (1998-2003)

Il est réparti dans une zone relativement petite du Paléarctique occidental. L’espèce a besoin de couronnes d’arbres avec des branches à écorce grossière et de zones de tronc pour trouver de la nourriture. Dans une grande partie de son aire de répartition, le Pic mar montre donc un lien avec les vieilles forêts de Quercus div. sp.
Notons que ces dernières années (2022), on le trouve aussi dans des forêts mixtes semi-naturelles de feuillus sans une proportion importante de chêne.

Répartition en hiver

Le Pic mar est sédentaire, mais les adultes quittent souvent leur territoire l’hiver pour effectuer des mouvements locaux pouvant atteindre une cinquantaine de kilomètres. La discrétion de l’espèce en dehors d’une courte période au début de la nidification suffit très probablement à expliquer les différences entre répartition printanière et hivernale.

CARTE & Graphique Faune-Bretagne.org

(Carte BZH)
Nota bene : l’atlas des oiseaux nicheurs est un projet participatif. Les cartes et graphiques présentés ici sont établis de façon dynamique à partir des informations fournies par les participants inscrits, et sont en conséquence susceptibles de ne fournir qu’une représentation partielle de la situation, au moins pendant les premières années de l’enquête.
Consultation 08/2022

Nombre de données, par période de 10 jours, pour l’année. Le code couleur concerne le code atlas :

  1. jaune : nidification possible,
  2. orange : nidification probable,
  3. rouge : nidification certaine.

Menaces – protection

Le Pic mar n’est pas considéré menacé actuellement par BirdLife International qui estime que la tendance démographique à court terme en europe pour les années 2000-2012 était à la hausse. Si déclin il y a quelque part, il est forcément imputable à la gestion forestière, en particulier à la fragmentation des forêts de chênes, à l’élimination des arbres anciens ou dépérissants, et ce d’autant plus qu’on se trouve dans un contexte climatique difficile où les sécheresses estivales stressent les arbres et incitent à leur exploitation, éventuellement à titre préventif. L’avenir n’est donc pas forcément rose pour le Pic mar.
En Bretagne (Iliou, 1985), il serait aléatoire de définir une réelle tendance, compte tenu du peu d’informations disponibles ; mais l’espèce mérite une grande attention et son évolution est conditionnée par une protection des futaies âgées.

Conclusion

En résumé, le pic mar est un bel oiseau d’observation directe difficile. Une politique de gestion forestière trop « propre » pourrait gravement l’affecter en le privant d’arbres où creuser sa loge.

Les menaces pesant sur le Pic mar sont principalement liées au fait que celui-ci occupe une niche écologique étroite. Le remplacement des essences feuillues par des essences résineuses, ou la fragmentation des massifs forestiers en une mosaïque d’essences et d’âges différents, induisent une diminution de la densité de l’espèce.

Le système d’exploitation forestière consistant à éliminer systématiquement les arbres morts est également préjudiciable. Cette espèce est par ailleurs sensible au dérangement causé par les travaux forestiers lorsqu’ils sont effectués au cours de la saison de nidification.


Bibliographie :

Livre :

  • Atlas des oiseaux de France métropolitaine – Nidification et présence hivernale – ISSA N. & MULLER Y. (2015)
  • Guide des chants d’oiseaux d’Europe occidental – Description et comparaison des chants et des cris – BOSSUS A. & al. (2003)
  • Guide des oiseaux de Bretagne et de Loire-Atlantique (sédentaires, nicheurs, migrateurs, hivernants) – DUBRAC B., NICOLLE S. & MICHEL H. (2005)
  • Guide encyclopédique des oiseaux du Paléarctique occidental – BEAMAN M. & MADGE S. (1998-2003)
  • Histoire et géographie des oiseaux nicheurs de Bretagne – MONNAT J.-Y. & GUERMEUR Y. (coord.) (1980)
  • Les Oiseaux Nicheurs de Bretagne 1980/1985 – Collectif (1997)
  • Nouvelle inventaire des oiseaux de France – DUBOIS P.J., LE MARECHAL P., OLIOSO G. (coord.) & YESOU P. (2008)

Internet web 2.0 :

  • www.oiseaux.net
  • fr.wikipedia.org
  • Crédits
    Photographie : Francesco Veronesi (Italy) 23 avril 2010 – CC BY-SA 4.0
    Dessin : LAUNAY J.-F. (1986)

Source carte de répartition et graphique : Faune-Bretagne.org
VisioNature est un outil développé avec la collaboration du réseau LPO. Grâce aux technologies Internet, débutants, amateurs et professionnels naturalistes, peuvent partager en temps réel leur découverte, et ainsi améliorer la connaissance et la protection de la faune.
Dès lors, une grande prudence doit être prise sur la validité des informations, avant validation (nda).

CC BY-NC-ND

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