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Végétation amphibie à Littorelle des étangs et Baldellie fausse-renoncule rampante


C’est lors d’un bivouac itinérant dans les monts d’Arrée, en la commune de Brennilis, que j’ai observé en périphérie de la Réserve Naturelle une belle formation végétale, que je m’apprête à vous dévoiler. Mais déjà sur les photos, vous pouvez remarquer sa physionomie particulière, formant un beau « gazon » vert sur une superficie notable, autour du réservoir Saint-Michel. Cette espèce forme un tapis dense et riche de plusieurs milliers d’individus clonaux.

Synfloristique

Nous allons décrire une espèce structurante donnant la physionomie à l’habitat, une autre espèce déterminante donnant l’association (en -etum) et deux autres espèces, ayant une auto-écologie singulière, discriminante et apportant des informations sur les conditions stationnelles du milieu (ou biotope).

Littorella uniflora (L.) Asch. (= L. lacustris L. = L. juncea Bergius)

(littorelle uniflore, littorelle des lacs) — Ce taxon fleuris du VI au VIII (les photos du taxon ont été prises après la floraison (septembre), d’un point de vue strictement floristique on pourrait le confondre avec Isoetes histrix — C’est une hydrohémicryptophyte de 5-10 cm — Autoécologiquement c’est une amphibie des sables et graviers longtemps inondés, oligotrophique ; colonisant les mares, grèves d’étangs, et les ornières de chemins sablonneux — Phytogéographiquement, c’est une Subatlantique.

Baldellia ranunculoides subsp. repens (= Alisma ranunculoides L.)

(flûteau fausse-renoncule) — Ce taxon fleuris du VI au IX — C’est une hélophyte ou hydrohémicryptophyte de 15-40 cm — Autoécologiquement c’est une amphibie, surtout sur sables ; colonisant les bord des étangs et les mares — C’est une Subméditerranéo-atlantique.

Plus systématiquement, Baldellia ranunculoides subsp. repens est une plante très variable en fonction des conditions stationnelles ; de fait, la valeur taxonomique est contestée par certains auteurs ; d’autres ont émis l’opinion que le taxon européen nommé ici par moi subsp. repens pourrait être différent de cette sous-espèce, décrite d’Afrique du Nord : il devrait alors se nommer subsp. cavanillesii.

Diagnose de Baldellia ranunculoides subsp. ranunculoides / repens :
Tige florifère presque toujours dressée / parfois dressée, le plus souvent rampante et radicante aux noeuds de l’inflorescence… Inflorescence à verticille comprenant 6-20 / 1-6 fleurs… Fleur de diam. 13-15(-18) / 15-22 mm… Fruit à 20-45 / 15-20 akènes… Fruit de diam. c. 8 / c. 5 mm… Akène non papilleux / papilleux.

Hypericum elodes L. (= Elodes palustris Spach)

(millepertuis des marais) — Ce taxon fleuris du VII au VIII — C’est une Hélophyte de 10-30 cm — Autoécologiquement c’est une hydrophile à amphibie, acidicline, turficole ; colonisant les fossés, bord des mares, dépressions marécageuses, suintements et tourbières — C’est une Subaltique.
Hypericum elodes est inféodé aux végétations oligotrophes humides. Il se rencontre, souvent en compagnie de Potamogeton polygonifolius et de Scirpus fluitans, dans les ceintures amphibies des étangs, lacs et mares, ainsi que dans les dépressions tourbeuses au sein des landes et tourbières.

Formation à Hypericum elodes

Juncus effusus L.

(jonc diffus, jonc commun, jonc épars) — Ce taxon fleuris du VI au VIII — C’est une Hémicryptophyte de 50-100 cm — Autoécologiquement c’est une prairiale, hygrophile, neutrophile à acidicline ; s’exprimant dans les prairies humides, bord des eaux, les coupes, les chemins forestiers et les fossés — C’est une Subcosmopolite.
Pour information et traduire la nature de l’humus présent dans ce peuplement, celui-ci est de type mull mésotrophe à mull moder ; correspondant à des sols moyennement riches en éléments nutritifs avec un pH légèrement à moyennement acide.
Notons que le caractère indicateur du taxon, traduit un sol tassé et/ou une remontée de la nappe.

Juncus effusus L. (Touradons)

Aide à la détermination de Littorella uniflorae sous forme végétative

Lvs mostly submerged, all basal, alt, simple and unlobed, < 10 mm wide
Lvs solid or with indistinct hollows/aerenchyma. Roots whitish, solid.
Lvs +- opaque or with stolons, < 3 mm wide
Sheaths whithout auricles and cross-veins
Stoloniferous per, often turf-forming. Lvs 30-70 x 2-3 mm +- cylindrical to flat, obtuse to acute (hydrathode often purplish), usu with a few obscure hairs at sheathing base +- rigide, with spongy aerenchyma and tiny central vb. All yr

Symbols & Abbreviations :
+- : more-or-less (qualitative) ; approximately (quantitative)
< less than
Alt : alternate
Lvs : leaves
Per : perennial
Usu : usually
Vb : vascular bundles
Yr : year

Commentaires généraux et complémentaires sur la forme végétative :
Feuilles en rosette basale, étroitement linéaire, graminiformes, souvent canaliculées, glabres, 25-40 mm de long. Propagation par des stolons.

Focus sur une plante menacée et protégée : Littorella uniflorae

Échantillon prélevé en août 1995… par méconnaissance du statut de Protection nationale.

Ecologie

Le taxon forme des gazons denses (clonaux) sur des ourlets littoraux ouverts qui sont submergés 6-20 semaines par an, au-dessous du niveau moyen des hautes eaux, elle peut aussi être immergée jusqu’à quatre mètres de profondeur. Ceci sur des sols pauvres en nutriments, riches en base, limono-sabloneux ou graveleux-caillouteux au bord des eaux oligo- à mésotrophes. Elle croît en outre dans des étangs oligotrophes acides sans calcaire. Il est relativement indifférent au pH. En l’absence de hautes eaux annuelles, elle est rapidement éliminée par la concurrence.

Formation à L. uniflora sur sol limono-sabloneux

Particularité de l’espèce

Hémicryptophyte ou hydrophyte, ce taxon est une reliquat glaciaire. Elle peut développer des formes aquatiques stériles (à feuilles pouvant atteindre 18 cm et sans stomates) et produit de nombreux stolons très longs, surtout en eau peu profonde. La pollinisation est anémophile. Outre la propagation par les stolons, la dissémination est assurée par les oiseaux aquatiques. Ce sont souvent les fluctuations du niveau d’eau, qui apprêtent pour les espèces littorales peu compétitives des espaces vides de concurrence. Un piétinement modéré les favorise plutôt, en nuisant à la concurrence.

Répartition générale

Élément boréal-subatlantique, l’espèce est répandue dans l’ouest et centre de l’Europe. Elle ne manque que dans la région arctique scandinave ; absente de l’extrême-sud, elle pénètre dans la région méditerranéenne (par exemple jusqu’en Italie centrale, en Sardaigne et en Corse).

Menaces

Cette espèce est sensible aux modifications de son habitat : eutrophisation, comblement, emboisement, assèchement et emploi d’herbicides en milieu aquatique. Disséminée un peu partout, l’espèce est fortement menacée, au moins dans le sud de l’Europe centrale ; dans d’autres régions elle est encore assez répandue.

Statut des plantes constituante de la formation végétale (synphysionomie) et déterminantes (synécologie) dans le Finistère (29)

  1. L. uniflora est peu commune et dispersée. Certaines localités anciennes citées par les frères Crouan n’ont pas été revues récemment. Les observations récentes concernent des bords de mares ou d’étangs à niveau d’eau variable (dont Brennilis).
  2. B. ranunculoides est peu commune et se rencontre de manière disséminée sur le territoire dans les ceintures amphibies des mares et étangs, ainsi que dans les fossés. Les deux sous-espèces sont décrites et reconnues sur le territoire. Elles n’ont cependant pas été suffisamment distinguées pour pouvoir les cartographier individuellement. Le taxon présente une répartition principalement littorale, et est plus rare à l’intérieur.
  3. H. elodes est commun et largement représenté sur le territoire, à l’exception des côtes soumises aux embruns et du Léon maraîcher.
  4. J. effusus est le jonc le plus commun de la flore. Poussant sur des sols aussi bien acides que neutres, il croit dans toutes les zones plus ou moins humides.

Synsystématique

L’habitat observé sur les rives du réservoir appartient à la classe des LITTORELLETEA UNIFLORAE Braun-Blanquet & Tüxen 1943 ;

aux Littorelletalia uniflorae Koch 1926, correspondant à une végétation vivace oligotrophe et amphibie. On y observe le cortège floristique suivant : Juncus bulbosus (Très commun), Littorella uniflora (taxon protégé nationalement), Luronium natans (Peu commun) ;

Phytogéographiquement, il traduit le caractère de l’Hydrocotylo vulgaris – Baldellion ranunculoidis Tüxen & Dierssen in Dierssen 1972, correspondant à une végétation atlantique à Apium inundatum (Assez commun), A. repens, Baldellia ranunculoides subsp. repens, Eleocharis acicularis (Très rare, non observé : à rechercher), E. multicaulis (Commun), Hydrocotyle vulgaris (Très commun), Hypericum elodes, Potamogeton polygonifolius (Commun souvent en compagnie de H. elodes), Scirpus fluitans (Assez commun, peut former des peuplements importants), Sparganium minimum (Présumée disparue du Finistère, à rechercher) et Veronica scutellata (Assez commune, peut passer inaperçue, à chercher plus assidûment dans le Finistère).

En l’absence d’un échantillonnage de la végétation et l’absence d’un relevé phytosociologique, puis d’un recoupement avec la littérature Finistérienne et du massif Armoricain, l’association définie n’est donnée qu’avec prudence.

Commentaire sur le paradigme de la définition de l’association

Rappelons que l’association est l’unité de base de la nomenclature phytosociologique. En cela, elle est analogue à l’espèce en botanique. En tant que socle du synsystème, elle se doit d’être définie rigoureusement afin d’éviter toute dérive méthodologique.

L’association est un concept typologique abstrait, une catégorie qui résulte de la comparaison de relevés (non effectuées ici) de communautés végétales, lesquelles sont des réalités de terrain.
L’association est – dans l’absolu – définie exclusivement de manière floristique ; mais elle doit être confortée par les propriétés écologiques stationnelles (c’est à dire édaphiques, climatiques, chorologiques, dynamiques (trajectoires), etc.).

L’association possède une morphologie précise et possède une composition floristique « homogène ». Et en conséquence, elle doit posséder une combinaison d’espèces de « hautes constance ».
L’association doit être originale, elle doit pouvoir être différenciée des autres associations. En plus de ces espèces fréquentes, elle possède donc une composition floristique singulière et, en particulier, un groupe d’espèces qui n’est présente dans aucune autre association de l’alliance (-ion) à laquelle elle appartient.

Remarque : un « groupement » est un syntaxon de même valeur que l’association, mais qui n’a pas encore fait l’objet d’une diagnose publiée.

Association retenue de l’habitat observé et partiellement décrit

Il s’agit probablement du cf. Littorello unflorae – Baldellietum ranuculoidis ; correspondant à une végétation neutrocline, oligomésotrophile de bord de mare ou étang sur tourbe ou argiles ; ce syntaxon est de tonalité nord-atlantique.

Très belle formation de la population

Sources bibliographiques :

  • Atlas floristique de Bretagne – La flore du Finistère – QUERE E., MAGNANON S., RAGOT R., GAGER L. & HARDY F. (2008)
  • Comparative plant ecology – A functional approach to common British species – GRIME J.P. et al. (1996)
  • Fiches pratiques pour la conservation – Plantes à fleurs et fougères – KASERMANN C. & al. (1999)
  • Flora Vegetativa – Un guide pour déterminer les plantes de Suisse à l’état végétatif – EGGENBERG S. & MÖHL A. (2008)
  • Flore vasculaire du Nord de la France : synthèse taxonomique – MERCIER D. (2003)
  • Flore vasculaire de Basse-Normandie – Tome 2 – Renseignements et commentaires sur les espèces – PROVOST M. (1998)
  • Florule du Finistère – CROUAN P.L. & C. H.M. (1867)
  • Guide Delachaux des fleurs de France et d’Europe – STREETER D., HART-DAVID C., HARDCASTEL A., COLE F. & HAPPER L. (2017)
  • Nouvelle flore de la Belgique, du Grand-Duché de Luxembourg, du Nord de la France et des Régions voisines – LAMBINON J., DELVOSALLE L. & DUVIGNEAUD J. (2004)
  • Prodrome des végétations de France – BARDAT J., BIORET F., BOTINEAU M., BOULLET V., DELPECH R., GÉHU J.-M., HAURY J., LACOSTE A., RAMEAU J.-C., ROYER J.-M., ROUX G. & TOUFFET J. (2004) et adapté par l’auteur (09/2022).
  • Prodromus Europ. Pflanzeng – DIERSSEN (1972)
  • The Vegetative Key to the British Flora – POLAND J. & CLEMENT E. (2009)
  • The wild flower key – How to identify wild flowers trees and shrubs in Britain and Ireland – ROSE F. et O’REILLY C. (2006)
    Iconographie :
  • Exkursionsflora von Deutschland – ROTHMALER W. (2007)

Photographies :

  • Gaby AR BRAZ Dirlem – Nikon D700 – Ecosystema.fr ™ © – 2022
  • Gaby AR BRAZ Dirlem – Fuji Velvia 50 ISO – Ecosystema.fr ™ © – 1995

CC BY-NC-ND

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