Close

Les Fungi : pour une récolte raisonnée de la Forêt du domaine de Chris

AVERTISSEMENT
Toute personne qui choisi de consommer des champignons le fait sous sa propre responsabilité. L’auteur de ce post ne se porte pas garant des effets des champignons sur chaque individu en particulier. Brest le 1ᵉʳ novembre 2024.
Craterellus butaeformis (syn. : Cantharelus tubiformis) parmi Polytricum formosum en contexte forestier

Préalable

Pour terminer ma pré-saison « phare » de Fungi (vern. : champignons), je vous fais découvrir quelques taxons observés en Finistère, sur quartzites et boisement de feuillus et résineux ombragés – avec une forte aérohygrophilie stationnelle – à proximité de la Roche-Maurice ; sur le Domaine privé de Chris, la maman de ma compagne Lila.

Le mois d’octobre (et surtout novembre et les très rares gelées, en Finistère) marque sous forêt, la nette diminution d’observations mycologiques et même si, rappelons-le : encore cette année – peut-être en raison d’une très faible pluviométrie – les champignons n’ont pas été au rendez-vous ⁉️.

Comme évoqué couramment, mon intention n’est pas de vous présenter des Fungi exceptionnels, non ! seulement de vous inciter à la découverte d’un règne (celui des Fungi) riche en forme et en couleur. Un moyen aussi d’égayer ses sorties dans les bois et autres habitats semi-naturels, et de diversifier la démarche naturaliste.

Avant-Propos

Le champignon évoque avant tout la tradition bien ancrée du ramassage des espèces comestibles qui attire chaque automne, sous-bois, une population d’amateurs en quête de bonne récolte.
Au-delà de ces pratiques réglementées qui ne sont pas sans créer des conflits d’usage, le champignon est bien plus qu’un simple objet de convoitise : c’est un être vivant aux particularités si originales qu’il appartient à une classification séparée du monde végétal : le règne fongique ou Fungi.
Grégaire ou solitaire, tantôt en symbiose avec les arbres hôtes, tantôt tributaire de la matière de la matière organique contenue dans les litières forestières ou le bois mort (= saprophyte), tantôt parasite de l’arbre qu’il contribue à fragiliser ; champignons représente un élément fondamental de l’écosystème forestier. Sans eux et les liaisons intimes qui les relient aux arbres, la forêt ne serait pas ce qu’elle est.
Mieux connaître l’univers souterrain des champignons, qui se révèle à nous par son sporophyte, constitue un préalable qui doit nous aider à les respecter, les protéger, les favoriser, par une sylviculture appropriée, tout en tirant le meilleur parti de leurs contributions au bon fonctionnement de la forêt et de la valeur ajoutée d’une récolte raisonnée.

Nomenclature

Les noms scientifiques des différents taxa suivent la nomenclature, selon EYSSARTIER G. (2017).

Remerciements

Enfin, un grand merci à Chris, la maman de Lila (ma compagne) pour la visite de son domaine.

Généralités sur les Fungi

Les caractères biologiques de ce Règne (= Phylum) vivant, constitué par l’ensemble des Fungi sera traité dans un post à part. Toutefois – en introduction – ces derniers représentent un ensemble vivant particulier, par la suite de leur organothrophie et d’autres caractères qui leur sont propres, et les séparent incontestablement du Règne des plantes auquel ils étaient – à tort – autrefois rattaché.

Ici, nous allons traiter les champignons principalement récoltés. Pour les grands « groupes » de Fungi, observables dans leur milieu (ou habitat), veuillez vous reporter à l’article ci-après :
https://ecosystema.fr/findex.php/2022/10/05/apercu-des-principaux-groupes-de-fungi-vern-champignons/

Introduction

Les champignons sont incontestablement des êtres bien particuliers que les scientifiques ont longtemps rattachés, par défaut, au règne des Plantae (= végétal). Ils font désormais partie d’un monde à part, le règne fongique (= Fungi), même si on englobe encore sous le terme générique devenu impropre de « mycoflore ».
Assurément, les champignons, organismes dépourvus de chlorophylle, et donc incapable de synthétiser des sucres à partir du carbone, ne peuvent être assimilés à des végétaux dont ils n’ont pas l’autonomie de subsistance. Mais, ils partagent avec eux quelques similitudes au plan de la reproduction.
Inaptes à subvenir à leurs besoins sans le concours d’autres êtres vivants, ils ont le caractère hétérotrophe propre aux représentants du monde animal avec lequel ils n’ont évidemment aucune parenté.

Trois stratégies de subsistance

Les champignons ont développé un mode de vie comportant trois stratégies pour pourvoir à leurs besoins alimentaires, ce qui permet un premier niveau de distinction.

  • Certains vivent en symbiose avec une plante hôte qui profite des apports du champignon qu’elle héberge : ce sont les espèces mycorhiziennes, les plus nombreuses semblent-ils.
  • D’autres se développent en assimilant la matière organique morte provenant principalement des végétaux : ce sont les saprophytes.
  • Enfin, et ce ne sont pas les plus nombreux, fort heureusement pour le boisement de la Roche Maurice ^^, les parasites vivent au détriment de l’hôte qu’ils envahissent.

Un monde sous-terrain et parfois visible

Les champignons sont des organismes qui se présentent sous la forme d’un écheveau complexe de filaments élémentaires nommés hyphes dont l’agglomération forme le mycélium, perceptible à l’œil nu. Partie stérile du champignon, il forme un réseau d’une densité inimaginable, la raison pour laquelle les champignons représentent l’essentiel de la biomasse des sols forestiers.
Finalement, les champignons supérieurs n’émergent à l’air libre – encore qu’il y ait des exceptions comme la truffe par exemple – que lors de leur phase éphémère de reproduction : c’est le moment où ils exhibent leurs sporophores dans une extravagante débauche de couleurs, d’aspects et de tailles.

Biodiversité forestière

Retenons également que la biodiversité forestière serait grandement paupérisée sans les champignons qui, après les Insecta constituent la forme de vie la plus représentée sur la planète. En leur absence, tout l’écosystème forestier serait profondément boulversé. En effet, les champignons jouent un rôle capital en forêt, par liens étroits d’interdépendance avec les autres êtres vivants, principalement avec les végétaux et plus particulièrement les arbres.

Récolte des sporophores

Enfin, certaines espèces comestibles contribuent à rendre fort sympathique les champignons, malgré l’existence d’espèces contenant des toxines parfois redoutables.
Au-delà de cette dimension sociale et culturelle se cache une réalité économique qu’il convient de ne pas éluder, d’autant qu’une meilleure connaissance des conditions de développement des champignons permet aujourd’hui, sinon de maîtriser leur production, du moins de l’optimiser.

Le champignon, source de revenu… protégeons le domaine !

Il est indéniable que les champignons ont une valeur commerciale loin d’être négligeable, allant de moins de 10 € à plusieurs centaines d’euros le kilogramme.
Pourtant, rares sont les sylviculteurs (et les propriétaires forestiers en général) qui cherchent à rationaliser le bénéfice qu’ils pourraient en tirer. Les cartes individuelles de ramassage qu’ils mettent parfois en place relèvent plus du souci de maîtriser la fréquentation que d’une démarche économique.
Savoir apprécier la quantité raisonnable à prélever, interdire les pratiques aveugles et destructrices comme le ratissage, n’ouvrir qu’une partie du massif à la fois, sont autant de précautions qui permettront d’assurer la pérennité du gisement mycologique, et de donner aux champignons la possibilité d’essaimer à partir de leurs spores.

Principaux champignons convoités

Récolte de Chris, mycophile sur son domaine

La nature est généreuse et la récolte peut être abondante, lorsque les conditions sont réussies. Le nombre d’espèces de champignons comestibles sur lesquelles se focalisent les ramasseurs est relativement restreint, avec des espèces communes à une grande partie de la France (et d’Europe tempérée) et d’autres plus locales.
Boletus edulis (nom vernaculaire = Cèpe de Bordeaux) et espèces apparentées (Boletaceae) avec lesquelles on le confond parfois, Boletus aestivalis (nom. vern. = Cèpe d’été ou réticulé), Boletus pinophila(nom. vern. = Cèpe des pins, dit aussi Cèpe acajou), Boletus aereus (nom. vern. = Cèpe bronzé dit aussi « tête de nègre » ! ) et Xerocomus badius (nom. vern. = Bolai bai) ; et Cantharellus cibarius (nom. vern. = Girolle ou Chanterelle commune), Craterellus cornucopioides (nom. vern. = Trompette des morts), Cantharellus tubiformis (nom. vern. = Chanterelle en tube), Macrolepiota procera (nom. vern. = Lépiote élevée ou « coulemelle ») et Hydnum rependum (nom. vern. = Pied de mouton), sont la base du panier habituel.
À ces espèces relativement ubiquistes, s’ajoutent celles qui, en raison de leurs exigences, ont une répartition plus restreinte. Par exemple, Morille est surtout présente sous frênaie en montagne ou en milieu forestier calcaricole.
À chaque terroir ses spécificités. Une forte pression s’exerce sur ces champignons nobles qui régalent les gourmets et alimentent parfois un marché parallèle qu’il convient de dénoncer.

Récolte du jour (fin octobre 2024) par Chris

Groupe des Clavaires, Ramires, Chanterelles et Hydnes

Craterellus butaeformis (syn. : Cantharelus tubiformis) (nom. vern. : Chanterelles en tube, C. d’automne, C. en trompette et C. en entonnoir)

On reconnait cette espèce à son chapeau de petite taille brun doré, creusé en forme d’entonnoir et souvent percé d’un trou en son centre, à son pied jaune vif entièrement tubuleux et à ses plis espacés et larges, jaunes ou gris jaunâtres.

Basidiome (= sporophore des Basidiomycètes) en entonnoir, peu charnu, gris-brun. Plis ocre à jaune
Description : Basidiome plus ou moins creusé à maturité, atteignant huit centimètres de haut et quatre centimètres de diamètre. Marge flexueuse, fine. Surface lisse à fibrillo squamuleuse, gris-brun à ocre jaunâtre au bord, parfois plus uniformément jaunâtre.
Plis fourchus, gris jaunâtre à jaune assez vif. Stipe plein ou peu fistuleux, élancé, souvent pincé, gris jaunâtre ou jaune assez vif.
Chair plutôt mince. Odeur faible.
Saison : juin-décembre.
Habitat : forêts de conifères de même que sous feuillus. Au sol.
Distribution : large, mais fréquence inégale. Fungi commun.
Confusion possible : ce taxon est caractérisé par un aspect en trompette, des plis bien formés et un pied plus ou moins jaune. À cela, Craterellus cinereus ressemble beaucoup par la forme et la taille, mais elle est entièrement grise. Par conséquent, avec des petits Cortinarius spp. du groupe des dermocybes.

Hydmum repandum (nom. vern. : Pied de mouton, Barbe-de-chèvre, Langue-de-veau…)

On reconnait cette espèce à son gros chapeau charnu et irrégulier, bosselé et tourmenté, épais, souvent soudé à ses voisins, de couleur blanchâtre ou roussâtre pâle (H. rufescens), à son pied trapu, ainsi qu’à ses aiguillons serrés, blancs et fragiles, à sa chair amarescente (= d’un goût devenant amer après mastication).

Hydne charnu, irrégulier, blanc à ochracé ou roux. Aiguillons cassants.
Description : Basidiome stipité, terricole, blanchâtre à crème ochracé, parfois plus roussâtre ou rougeâtre. Chapeau jusqu’à 15 cm, souvent lobé, irrégulier, mat ou feutré, cabossé ou craquelé. Aiguillons jusqu’à 3 mm, cassants, blancs puis beige rosâtre. Stipe 2-7 × 1-4 cm, cylindracé ou irrégulier, souvent cabossé ou pincé, ferme, charnu, un peu cassant. Chair blanche ou très pâle, un peu jaunissante ou brunissante en bas du stipe, cassante.
Saison : juin – novembre.
Habitat : feuillus et conifères. Au sol.
Distribution : Large. Espèce courante.
Confusion possible : avec ses petits aiguillons blancs, sa couleur pâle et sa chair friable, ce taxon ne peut se confondre avec aucun autre Fungi. Certains auteurs considèrent la forme orangée, plus petite, comme une espèce à part (H. rufescens).
Sur les sols calcaricole pousse H. albidum, tout blanc, avec des spores plus petites.

Autres observation mycologique

Groupe des Russules et Lactaires

Les Russulaceae sont remarquablement homogènes ; chair constituée en majorité de sphérocytes, d’où chair à texture grenue cassante.
Russules et Lactaire sont enfantins à reconnaître comme genres (sur le terrain, le stipe se brise comme un morceau de craie, sans faire de filaments ni fibres).
Les russules sont un genre répandu : il existe en Europe environ 150 Lactarius spp. (et 700 Russula spp.)
Les espèces sont difficiles à distinguer ; les premiers critères sont souvent la teinte, le goût (doux ou brûlant), la teinte des spores, l’odeur, et l’arbre sous lequel pousse le Fungi.

Ce genre est très commun et très répandu dans les forêts, depuis les tropiques jusqu’au nord de l’arctique. Ils forment des mycorhizes et jouent de ce fait un rôle important dans le développement des forêts.

Lactarius spp. et Lactifluus spp. :
Des recherches récentes ont montré que le genre Lactarius était en réalité formé de deux groupes distincts, l’un composé d’espèces essentiellement extra-européennes (Lactifluus spp.), l’autre d’espèces surtout inféodées aux régions tempérées (Lactarius spp.).

Remerciements

En 2022, j’ai repris la mycologie ; un grand merci à Lila, ma compagne de tous les instants, et à sa maman Chris – une grande mycophile – qui m’a accompagnée lors de mes sorties forestières, sur son domaine forestier – qu’elle parcoure depuis toujours.
Je vous remercie toutes les deux, grandes dames.


Sources bibliographiques personnelles :

Ouvrage de référence :

  • Guide des champignons – France et Europe – 4ᵉ édition – EYSSARTIER G. (2017) aux éditions Belin.
  • Guide des champignons de France et d’Europe – 4ᵉ édition – COURTECUISSE R. (2024)
    Autres ouvrages consultés :
  • Champignons de France et d’Europe occidentale – BON M. (1988)
  • Dictionnaire : Plantes & Champignons – BOULLARD B. (1997)
  • Ecologie des Champignons – DURRIEU G. (1993)
  • Le champignons, allié de l’arbre et de la forêt – PICARD G. (coord.) (2015)
  • Les champignons dans la nature – 230 espèces et plus de 300 photographies couleurs in situ – KNUDSEN H. & PETERSEN J. H. (2005)
  • Photo-guide des Champignons d’Europe – COURTECUISSE R. (2000)

Crédit photographique :

  • Gaby AR BRAZ Dirlem – Nikon D700 – Ecosystema.fr ™ ©
  • Gaby AR BRAZ Dirlem – OM « Tough » TG-7 – Ecosystema.fr ™ ©

Crédit iconographique :

  • Guide des champignons – Pictogrammes de BOUDOU J.-M. (2007) aux éditions Reader’s Digest.

Glossaire :

  • Ascomycètes : Fungi dont les spores prennent naissance dans un asque, cellule en forme de sac, contenant le plus souvent huit spores. C’est un imposant groupe de Fungi, mais certains sont si petits que l’on ne peut les étudier qu’au microscope. Dans ce « post » nous avons réuni les deux dans un même groupe (soit avec les Pyrénomycètes).
  • Basidiomycètes : Fungi produisant leurs spores à l’extérieur de la cellule fertile, nommée baside. Les basides généralement en forme de massue, produisent le plus souvent quatre spores par baside, et sont formées par millions sur les faces des lamelles. En grande partie, les Fungi traités en font partie, à l’exception des Ascomycètes et des Pyrénomycètes.
  • Carpophore : partie visible du Fungi, que nous appelons communément « champignons ». Le reste du Fungi est sous la terre, et porte le nom de mycélium. ATTENTION on lui préfèrera le terme de Sporophore car le radical « carpe » veut dire fruit, ce qui ne concerne pas les Fungi.
  • Hyménium : surface fertile du Fungi. Par abus de langage, concerne également la structure supportant cette surface (lames, tubes, etc.), dont le nom exact est Hyménophore.
  • Mycélium : partie du Fungi qui pousse dans la terre. Il est formé d’hyphes. Il forme un réseau finement ramifié, comme une toile d’araignée, permettant au Fungi d’absorber de l’eau et des nutriments sur une grande surface. Le mycélium constitue environ les neuf dixièmes du Fungi, le reste étant le sporophyte (= carpophore, mots ambigus).
  • Mycorhize : relation symbiotique entre un Fungi et une plante. Les hyphes des Fungi se développent sur des racines de l’arbre et les deux organismes peuvent faire des échanges d’eau et de substances nutritives.
  • Spores : élément reproducteur des Fungi. Elles sont formées sur les lamelles, dans les tubes, sur les aiguilles, dans les asques (Ascomycètes), les périthèces (Pyronomycètes), sur le chapeau des phalles, à l’intérieur du carpophore chez la vesse-de-loup. Elles sont microscopiques, mesurant de l’ordre de 0,01 mm de longueur, et peuvent avoir des formes variables, plus ou moins ovoïdes. Elles peuvent prendre différentes teintes, ce qui est un critère important pour distinguer les espèces.

Licence Creative Commons : CC BY-NC-ND 3.0 – Pas d’utilisation commerciale / Pas de modification.